Situation
Légendes
Une île fascinante
Socotra n’échappe pas au paradigme de l’île mystérieuse, une île capable de disparaitre quand on la cherche et de retenir les marins en levant des vents contraires si ceux-ci y ont volé quelque chose. Si ce n’est pas sans attribuer à ses habitants d’étranges pouvoirs magiques, on imagine la connaissance qu’ils peuvent avoir de leur bout de terre et des moyens à mettre en œuvre pour en détourner les curieux. Rien que son nom est une chimère difficilement déchiffrable pour les experts, tantôt associé au non moins légendaire pays de Pount, tantôt à une appellation grecque évoquant les jumeaux Castor et Pollux, ou encore un improbable « séjour des bienheureux » d’origine sanscrite, mais la plus simple semble liée Socotra à la lignée des princes Yaz’anides.
Échanges dans l’Arabie du sud
Une huile sacrée à base d’aloès aurait guéri une plaie d’Alexandre le Grand qui aurait décidé de conquérir l’île pour rendre ses guerriers invincibles. C’est pourtant une résine rougeâtre aux propriétés médicinales qui sera la vedette des échanges marchands de l’île dès l’antiquité, le sang-dragon, issu des vieux dragonniers, ces arbres caractéristiques de l’île. Une résine appropriée pour les feux sacrificiels, une symbolique qui associera l’île au mythe du Phénix, l’oiseau fabuleux qui lorsqu’il sentait la fin venir sans avoir pu se reproduire, car étant l’unique représentant de son espèce construisait un nid d’aromates et d’encens auquel il mettait le feu et se consumait dans les flammes, des cendres naissaient ensuite un nouvel Oiseau de feu (mythologie romaine).
La grotte
Socotra comporte de nombreuses grottes et la plus célèbre, la grotte de Hoq, montre des indices sur ce qui devait être en plus d’un abri temporaire, un antique lieu de culte ou de pèlerinage, le vestige le plus important est une tablette votive en bois sur laquelle des inscriptions sont écrites en araméen, elle aurait été laissée là au troisième siècle après Jésus-Christ par un Palmyréen, émissaire ou navigateur en recherche de négoce. D’autres inscriptions montrent des visiteurs d’Inde, d’Arabie et d’Afrique, mais Romains et Grecs n’y apparaissent pas, pratiques primitives communes à certaines ethnies, naufragés qui remercient le dieu de l’île ou lieu très recherché pour une raison pratique ou mystique, mystère.
Géographie
D’origine continentale l’île se détacha du Gondwana il y a 6 millions d’années. Elle mesure 140 kilomètres de long pour 40 kilomètres de large. Les montagnes s’élèvent jusqu’à 1500 mètres. Trois types de paysages dominent l’île, les plateaux, les plaines côtières et les vallées.
Biodiversité
Faune
Si certaines espèces sont endémiques de l’Archipel d’autres présentes le sont sur une zone plus grande, souvent dans la corne de l’Afrique. Il faut donc distinguer les rares espèces présentes uniquement sur l’archipel, ce qui complique les choses je ne donne donc que des indications sans oublier le fait que les découvertes et les déterminations sont récentes, il reste peut-être encore des espèces à découvrir. Aucune espèce animale endémique ne se distingue de manière emblématique. A noter aussi l’absence d’amphibiens sur l’île.
Oiseaux
L’île comporte un peu plus de 200 espèces d’oiseaux dont une dizaine endémiques :
Huppe fasciée(que nous connaissons), Souimanga de Socotra(sud arabie), Grand-verdier à ailes d’or(corne de l’afrique) et Moineau de Socotra(endémique).
Liste sur Avibase.
Mammifères
Les chauves-souris semblent être les rares espèces mammifères endémiques.
Insectes
Araignées, sauterelles, grillons, scarabées, etc. Nombre d’espèces semblent présentes uniquement sur l’archipel.
Reptiles
On compte des lézards, des serpents et un caméléon pour environ une vingtaine ou plus d’espèces endémiques.
Flore
C’est l’aspect biologique le plus dense sous ce climat tropical désertique et semi-aride, on compte pas moins de 200 espèces voir plus qui ne se trouvent nulle part ailleurs que sur l’archipel. On peut difficilement parler de la présence d’arbres bien qu’il y ait des acacias et d’autres espèces, car ils ne dépassent que rarement 6 ou 7 mètres de hauteur. Une bonne partie des végétaux endémiques sont des reliques vivantes d’espèces disparues depuis lors dans les milieux alentour. Il y a principalement des acanthes, des euphorbes, des labiées et des asclepiadaceae.
Plantes
Le dragonnier emblématique de l’île est très reconnaissable à son apparence unique de « parasol » adapté à la captation de l’humidité des brouillards. Il ne dépasse pas 20 mètres de hauteur et peut vivre jusqu’à 5000 ans. Il produit une résine qui ne se récolte qu’une fois par an, le sang-dragon, utilisé en pharmacopée locale et confection des fards. Le réchauffement du climat ne leur est pas favorable.
Le figuier de Socotra est une plante succulente qui peut atteindre 2m50 et se trouve souvent en pente sur les falaises rocheuses.
Le grenadier de Socotra est un arbuste de 2 à 4 mètres de haut aux fleurs rouges et aux fruits impropres à la consommation.
Fleurs
(Ci-dessus le Caralluma socotrana.)
Le bégonia de Socotra aux fleurs roses pâles réputé pour ses qualités ornementales.
La violette de perse, connue des jardiniers.
Vie marine
On compte cinq espèces de coraux et neuf espèces de crustacés endémiques plus un crabe. Et il y en a probablement d’autres, algues, mollusques, poissons, etc.
Enjeux
Impact humain sur le territoire et ses habitants
(La population est estimée à 40000 personnes sur Socotra.)
« Il y a vingt ans seulement, l’archipel de Socotra était inaccessible pendant cinq mois dans l’année à cause de la mousson du sud-ouest qui balaye ses rivages et « ferme » la mer. Cet état d’isolation pendant la moitié de l’année, une pause saisonnière et non une rupture temporelle, a été radicalement altérée par la « découverte » de l’archipel comme « point chaud » de la biodiversité, et la subséquente « ouverture » (Ar.: infitâh) de Socotra, l’île la plus grande et la plus peuplée, à de nouvelles formes de libéralisation économique et de régulation environnementale. » Nathalie Peutz
Paradoxalement ou logiquement les habitants de l’île ne voient guère d’un bon œil l’ingérence étrangère qui tend à les enclaver dans un particularisme géographique et biologique qui ne doit pas manquer de leur être présenté comme une aubaine. C’est aussi toute l’ambiguïté de l’homme moderne d’apporter à la fois un œil émerveillé et une potentialité destructrice, le respect comme la menace pèsent et pèseront toujours au-dessus de cette île dont l’œil étranger n’a finalement guère à lui apporter au vu de l’intérêt à conserver toute son authenticité.
Un site qui n’a actuellement rien d’enchanteur compte tenu de l’actualité politique du secteur, ce qui n’arrange rien, et qui globalement reste une zone fortement déconseillée, espérons qu’un jour la région puisse recouvrir un peu de l’aura de son ancienne appellation « l’Arabie heureuse ».
Pour conclure
Entre Afrique, Arabie du Sud et Inde, Socotra, entre réminiscence d’une luxuriance tropicale et aridité, mousson et sable, familière et unique, est au carrefour des extrêmes. Attachée au Yémen des hommes avec la route de l’encens et la mythique Arabie des Milles et Une Nuits, détachée de l’Afrique pharaonique et non loin de la ferveur védique de l’Inde, Socotra n’est rien de tout ça, seulement un petit peuple de pêcheurs et de bergers dans des paysages atypiques et pourtant c’est un de nos plus fabuleux héritages communs de l’humanité classés par l’UNESCO.