La Madone Sixtine

Un artiste précoce

Raffaello Sanzio, que l’on connait mieux sous le nom de Raphaël était un peintre italien de la Haute Renaissance du XIVe et XVe siècle. À cette époque avec Michel-Ange et Léonard de Vinci c’est l’apogée de l’art occidental, humaniste et noble. La disgrâce et le retour des Médicis influenceront les arts. Raphaël est initié par son propre père, artiste peintre. Orphelin à onze ans il se forme à Pérouse avec un des plus grands maitres de son temps, Pietro di Cristoforo Vannucci dit Le Pérugin. Son premier chef-d’œuvre est achevé à l’âge de vingt et un ans. Poursuivant son chemin à Florence, il termine sa formation sous l’influence des célèbres Léonard et Michel-Ange qu’il étudie avec assiduité, de l’un il retient le galbe des corps et de l’autre il adopte la technique du sfumato, qui consiste à créer un effet vaporeux avec de multiples couches délicates dans le but d’obtenir des contours imprécis et ainsi une plus grande profondeur. Il voit ensuite sa carrière couronnée à Rome où appelé par le Pape il exécute ses plus grands chefs-d’œuvre dont des fresques au Vatican. Mais il meurt prématurément, atteint de fièvres et de la malaria. Son style influencera des générations d’artistes même après sa disparition.

Lever de rideaux

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La Madone Sixtine
(traitement numérique personnel)

Son œuvre, la Madone Sixtine est une huile peinte sur toile sur bois. À cette époque les panneaux de bois pouvaient être enduits de colle et une fine toile adoucissait les effets de la détérioration inhérente au bois. Cette création était peut-être destinée à être une bannière de procession, mais elle devint un tableau d’autel pour la chapelle du couvent de Saint Sixte à Piazenca.
Une tenture verte ouverte laisse apparaitre dans un halo lumineux la Madone qui porte dans ses bras l’enfant Jésus, elle semble se mouvoir sur des nuages blancs, nombre de visages d’angelots apparaissent en arrière-plan.
La composition est pyramidale, deux personnages se trouvent aux côtés de la Madone qui occupe bien évidemment avec l’enfant la place centrale de la composition, Saint Sixte, saint protecteur du Pape qui a commandité l’œuvre et Sainte-Barbara.
Les couleurs de leurs vêtements sont fraiches et éclatantes. Le costume du pape est blanc, et sa cape d’or a l’intérieur rouge, Sainte-Barbara porte un habit orangé, une robe bleue et un voile vert, Marie un voile jaune, une robe bleue sous laquelle on aperçoit une étoffe rouge et un habit rouge-orange.
Raphaël utilise donc une palette de couleurs majoritairement primaires, qui par contraste de la couleur en soi s’ajoutent au clair-obscur pour donner au tableau une harmonie non seulement optimale, mais sublime.
Deux putti, ou angelots sont accoudés à la balustrade, trompe-l’œil qui les fait reposer sur le bord du tableau, observés avec bienveillance par Sainte-Barbara, leur allure songeuse les a rendus célèbres dans le monde entier.

État de grâce

Devant un arrière-plan dont le lointain est affirmé par l’utilisation de la couleur bleue, le saint semble intercéder entre la Madone et l’observateur de la scène, la tiare papale qui est posée au coin inférieur gauche du tableau fait le lien entre le monde humain et le monde divin. Cette œuvre fait preuve d’une composition très habile, simple, puissante et cohérente, dont le but est de projeter avec réalisme la présence divine sur ceux qui observeront le tableau.
Même si Raphaël n’a pas inventé la convention des couleurs des habits ecclésiastiques, on peut toutefois souligner que le blanc est symbole de pureté, l’or de spiritualité et lorsque le rouge colore l’intérieur plutôt que l’extérieur on peut y voir là une représentation inconsciente d’une vitalité pure qui rayonne de l’intérieur.
Pour les saintes, Raphaël doit aussi suivre une certaine convention, mais il est intéressant de noter que les couleurs bordant toute partie du corps dévoilée sont chaudes, alors que pour les parties les plus couvertes, elles sont froides. C’est un contraste qui met en valeur ce qu’il est décent de voir, comme les visages.
La venue calme et timide de l’enfant porté par sa mère semble nous indiquer la préciosité de cette présentation. Marie est très belle, le drapé de sa robe laisse suggérer que celle-ci est portée par le vent, ce qui lui confère une légèreté et par cette scène elle incarne l’âme maternelle, charitable, la vie qui supporte et l’être conscient en devenir.

Révélation surnaturelle

Il faut reconnaître que ce tableau l’on ne connait généralement que les angelots, alors qu’ils s’inscrivent dans une composition tout aussi empreinte de grâce. Ce qu’il y a de fantastique dans cette œuvre c’est la proximité du monde divin, qui se trouve non plus dans une zone inaccessible, mais qui est face à nous, le fond du ciel céleste avec ses angelots se retrouve au premier plan sur lequel se meut la madone. De plus pour tous ceux qui tendraient vers ce monde divin, le chemin ne serait pas tant celui recherché que celui qui se dévoile et approche vers eux, il suffirait de tendre la main pour prendre l’enfant.
Pas étonnant alors que ce tableau eu la réputation d’avoir des vertus thérapeutiques, car il décharge le croyant de toutes ses craintes, lui fait oublier toute spéculation nuisible et comme le dit l’adage : « Qui vivra verra. »
Malgré le triste sort qui est réservé à l’enfant, celui-ci ne se cache pas, comme si ce qui méritait d’être vécu c’est cette grâce intemporelle, la beauté platonicienne.
Et le génie de Raphaël c’est cela, dans cet homme qui plaisait à tous, la grâce à l’état pur.

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  1. Quelle merveille en effet!
    Je n’ai pas un intérêt particulier pour les œuvres religieuses mais tu nous présentes celle-ci de façon magistrale (bravo pour post-traitement!) et passionnante!
    Un bien bel article qui aurait fait certainement rougir le grand Raphaël!!
    Grosses bises et bonne soirée!!

  2. Oui les œuvres religieuses…
    Je ne sais pas pourquoi j’ai choisi cette œuvre en particulier, peut-être pour la beauté qui émane d’une figure banale et pour l’utilisation assez moderne des couleurs primaires.
    En paradoxalement les angelots ont la vedette !

    Pour le post-traitement on peut voir l’original sur wikipédia, j’ai comparé différentes photos pour arriver à une proposition visuellement attrayante et avec un tout relatif réalisme.

    Bises Noushka !

    Oui Framboise44, Raphaël est un peintre rare, c’est une ancienne analyse de composition, j’en ferais peut-être d’autre qui sait.

    Bises et à bientôt !

  3. J’ai encore en mémoire quelques portraits de Raphaël vu ici et là dans des musées. Ils ne s’oublient pas, c’est une rencontre époustouflante. C’est alors qu’on se rend que la peinture ajoute quelque schose d’indéfinissable de plus que la photo.
    Et dire que ces peintres étaient des artisans qui travaillaient sur commande et n’avaient que peu souvent des caprices d’artistes!
    Joli travail d’analyse , et dire que de cette merveille on retient surtout les petits angelots reproduits sur les supports les plus divers!

  4. Bonne idée, la description de peintures. Je pensais en faire à un moment… puis j’ai abandonné 😉

    Le post-traitement est bien fait (comme l’article, d’ailleurs) je trouve. Cela t’a pris combien de temps ?

  5. C’est sûr Lucie et ça devait être difficile de conserver une marge de manoeuvre avec les exigences des commanditaires.

    Le point le plus insensé dans l’analyse Alcuinn, c’est ce que cela n’apporte absolument rien sur la créativité, c’est un peu comme défaire les fils d’une tapisserie pour prétendre expliquer l’esprit et le contexte d’une oeuvre que l’on pourrait copier mais rarement égaler.

    Le post-traitement, je pense que c’est l’affaire d’une demi-heure maximum, comme je développe numériquement mes photos le procédé est légèrement identique.

    Merci à bientôt !

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