La vague caniculaire estivale n’aura épargné rien ni personne, les végétaux exposés sans une ombre protectrice aux rayons ardents du soleil sont irrémédiablement secs. Certains petits ruisseaux ne sont plus que des filets d’eau parsemés de quelques cadavres de poissons.
Est-ce mon imagination ou bien est-ce cette chaleur pesante qui fait perdre aux animaux une sage distance avec de potentiels prédateurs afin de s’hydrater ou de se nourrir ?
Les rencontres avec les beautés sauvages sont plus qu’une simple contemplation, bien qu’encore que le charme esthétique saisonnier des paysages puisse facilement s’apprécier, surtout dans un monde qui voit ses ressources naturelles altérées.
Dans le regard d’une martre, on peut prendre conscience d’une intelligence qui ne se focalise pas sur l’abstraction telle que l’homme s’en fait une définition familière, mais sur l’évaluation et l’anticipation par l’instinct et cette perpétuelle prise de risque, cette tendance à être sur le fil du rasoir de manière entière et ancrée dans le moment présent.
Et lorsque l’on connait toutes les utilisations destructrices de la rationalité humaine, on en mesure la vacuité, alors valoriser la nature et la nature humaine à travers les images de ce qu’elle a de plus beau, de bon, ce n’est ni révéler ni cacher, c’est juste indiquer une présomption de message.
Les guêpiers de la Loire
Ce bras de Loire n’est pas totalement asséché, mais toutefois pas assez profond pour éviter l’implantation de l’invasive jussie, ces petites fleurs jaunes aquatiques autrefois importées pour leur qualité ornementale.
Sur les hautes branches mortes, les guêpiers se reposent, entre un ballet aérien avec les vents ascendants modérés de la journée et les piqués entre les bottes de paille du champ voisin.
Les nénuphars offrent des refuges aux poissons dans ce bras qui cache une vie assez active, le nénuphar sauvage est l’âme appréciée de ce petit monde aquatique rempli de grenouilles, de poissons, de libellules et d’autres animaux.
Le phénix de nos régions, qui partage le podium de la couleur vive avec le martin-pêcheur, nous attendons chaque année l’arrivée sifflante du guêpier d’Europe.
Entre herbes rousses et feuilles vertes, la Loire reflète l’azur limpide du ciel, et le vent apporte de la douceur à cet été chaud et ensoleillé.
Le guêpier doit apprécier cette Loire rafraichissante où l’eau est source de vie pour bien des espèces, c’est probablement aussi sa période de reproduction, proche de ses nids il doit être en train de nourrir sa couvée.
Nénufars miniatures, les lentilles d’eau du bord de Loire révèlent un monde microscopique insoupçonné, on aperçoit, à peine visibles, quelques sortes de petites puces.
La lune entre le feuillage des acacias nous invite au mystère, à la poésie, et ce même en plein jour.
Ses cris roulés précédents souvent son apparition, en groupe, et en vol le guêpier est un grand chasseur d’insectes.
Que serait un paysage aquatique de nos régions sans un héron à l’affut ? Silencieux, parfois immobile, sa vue doit être excellente.
Les oreilles du lièvre
La réputation du lièvre est bien réelle, il est capable de traverser des champs en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, ses pointes sont estimées à 80 km/h, mais ici c’est l’après-midi et il fait trop chaud pour détaler.
Plantons le décor, le soir commence à tomber, un petit chemin fait de terre zébré de quelques racines court le long d’une prairie mitoyenne d’un champ moissonné, et ils ont beau se cacher, on aperçoit tout de même leurs silhouettes.
Une petite pause pendant le bouquinage(le nom de la période des amours du lièvre, vous allez lire autrement maintenant…)?
Course poursuite, à moins qu’il ne s’agisse d’une virile bataille, je vous laisse deviner qui est le mâle et qui est la femelle.
Réunion au sommet et mises au point, dans un sens, ce n’est guère différent d’un G20, les grandes oreilles en moins.
Mauve, libellule et amadou
Elle est partout, c’est une des fleurs de l’été, à la couleur douce, rose, présente dans les bois, les haies et les prés, partout en France.
Une drôle de tige en guise de perchoir pour cette libellule, en lisière de forêt, elle n’hésite pas à s’aventurer loin de l’eau.
On en a retrouvé dans le sac du chasseur Ötzi, c’est de ce champignon que l’on tirait une substance inflammable, l’amadou.
Antennes étranges et végétales, ces plantes-là doivent être très résistantes à la chaleur solaire.
Cigogne, hérisson, écureuil, martre et chevreuil
Cette jeune cigogne représente l’espèce la plus spectaculaire des échassiers, il est difficile de louper leurs immenses nids.
Ce n’est plus vraiment les herbes vertes du printemps, ceci dit le petit hérisson vous salue bien avant de repartir sous des ombres plus fraiches à la faveur de la tombée imminente du soir.
Le butin entre les dents, le rouquin est à son poste d’observation à l’affut du moindre chapardeur.
Furtive et silencieuse, mais néanmoins peu farouche, dans les herbes une ombre se glisse et apparait la martre, au pelage sombre.
Ainsi s’achève la série d’images de ce billet, sur un coucher de soleil, et le regard d’un chevreuil dans un champ de mauves.
Voler comme les guêpiers, se mettre en boule comme les hérissons, courir comme des lièvres, s’élever comme les arbres, sont tout autant d’exemples vivants, desquels on pourrait extraire de nombreuses fables, de mystères et de symboles. Quand l’inespéré apparait, l’adrénaline monte d’abord, la perplexité s’ensuit et finalement l’harmonie se décante. La sensibilité toujours aiguisée à la lumière et au vent, la plume pas trop sage car un peu verbeuse, il est temps d’achever ces beautés sauvages sur cette citation de Björn Larsson :
« Qu’avions-nous en commun ? Sans doute un rêve, celui de pouvoir naviguer en toute liberté et rencontrer des êtres et une nature rendant absurde la question du sens de la vie. »
– La Sagesse de la mer, B.Larsson.