Sous un ciel chargé, parfois entre deux averses, les paysages obtiennent en cette saison une lumière nette, transparente sans trop d’opacité, les lointains reliefs apparaissent alors avec magnificence et la campagne offre une sensation rare, d’espace et d’acuité. Dans la forêt il vient de pleuvoir, les champignons sont présents, comme des cadeaux aux pieds des sapins, chacun est différent, j’avance très lentement dans cette végétation parfois dense, branches, fougères, je fais attention où je mets les pieds, pour ne rien écraser, le soleil allume de multiples feux dans chaque goutte, suspendues aux branches telles des pampilles, puis la lumière s’en va, la forêt est trop obscure, je transpire, je vois au dos de mon appareil qu’obtenir une netteté devient impossible. Le soir, le soleil se couche, il ne reste dans l’assiette qu’une mince portion des quelques champignons qui ont été ramassés, réduits par la cuisson, l’eau s’en est allée, comme à travers les papilles le souvenir d’un étrange voyage forestier.
Écumes de spores
Passé l’échailler de bois, il faut marcher le long du pré jusqu’à entendre le bruit, fort, de l’eau qui chute peu profondément, mais assez pour stopper les aventureux canoés qui doivent là rejoindre la rive et contourner ce barrage naturel, un lieu pas très commun sur la Loire, un paysage insolite, où probablement non loin de là, à quelques kilomètres seulement peut-être se trouvait il y a très longtemps un bac, comme il y en eut souvent, servant à faire traverser le fleuve, hommes et bétail.
La vision d’un champignon est déjà un spectacle intéressant, alors lorsqu’il pousse en touffe cela est encore plus curieux, surtout à plus d’un mètre du sol sur le tronc d’un arbre, je ne suis pas certain de l’espèce c’est peut-être l’hypholome en touffe.
Un chapelier fou
Minuscule lanterne sur le sol capable de se transformer en bac à fontaine dès les premières gouttes de pluie, c’est dans un milieu sec que ce champignon au chapeau en forme de parapluie retourné par le vent filtre à travers ses lamelles les rayons du soleil, dans une végétation d’orpins et de mousses.
Les prés aussi présentent leur lot de champignons, mais dans une moins grande variété(on connait tous au moins le célèbre rosé des prés) comparée à leurs cousins forestiers, ici les écailles de cette lépiote semblent être des galaxies s’éloignant les unes des autres à partir d’un point mystérieux, notre univers est-il le chapeau d’un champignon magique ?
Merveilles forestières
Il a plu il n’y a pas longtemps, le chapeau de ce bolet en devient superbement luisant comme le vernis d’une voiture neuve, la nature sait présenter ses dernières productions avec classe.
Sur un fond au bokeh magique, la vesse de loup perlée surgit d’une souche et pétille de mille granules qui explosent en de multiples sphères de couleur. Les spores de ce champignon peuvent être cicatrisantes et soulager migraines et rhumes.
Dans la forêt il existe de multiples espèces de champignons aux couleurs très étonnantes, il est rare d’en apercevoir beaucoup, car généralement ils sont peu fréquents mais parfois on peut en apercevoir de particuliers, comme ce cortinaire violet, à la texture veloutée.
Avec son chapeau magnifié par l’humidité et son pied long et effilé ce champignon est d’une rare finesse et élégance devant son environnement de feuilles, de mousse, de brindilles et d’arbres.
Les amanites
Aux pieds de quelques arbres morts, les amanites poussent comme des champignons, c’est le cas de le dire, car en plus amanites signifie champignons, une étymologie pas très originale, mais qui désigne une famille de champignons qui semblent surgir d’un œuf et qui sont rarement comestibles, le plus souvent toxiques.
À ce stade, l’amanite tue-mouches n’a pas encore déployé son chapeau, et ses « verrues » blanches sont nettement apparentes, bien qu’elle soit dangereuse pour la santé, c’est le champignon par excellence de l’imaginaire de nos livres d’enfants et un modèle d’illustration très employé.
Paysages de campagne
La terre de ce champ est d’une couleur fauve étonnante et contraste avec les herbes du fossé, la haie, les arbres et la ligne d’horizon.
Sous les chênes et les châtaigniers, un troupeau de moutons flâne, au loin se dessinent les silhouettes du Morvan, d’après l’ouvrage d’un abbé mor et vand signifient en langue celtique, « Noires-Montagnes ». Son sommet le plus connu est le mont Beuvray, non loin la mythique capitale des Éduens, Bibracte.
Siliques et bonnets
Dans une haie, sur un chemin entre deux prés, telles des sculptures abstraites, les fruits, toxiques, du fusain d’Europe sont cachés par des capsules rose vif qui ressemblent à d’anciens bonnets d’évêques.
L’alysson blanchâtre est une fleur assez commune, ses fruits ronds et aplatis sont des capsules, nommés siliques.
Longues tiges
Dans les fourrés de genêts, la belle de nuit se distingue de loin, pouvant atteindre deux mètres de hauteur, l’onagre bisannuelle présente de belles fleurs jaunes parfumées, où chaque soir de nouveaux boutons éclosent dans une folle ascension.
C’est devant le seuil de cet ancien moulin à eau que l’automne semble faire descendre le long de ses lianes un commando non camouflé de feuilles d’un rouge éclatant au-dessus d’une rivière qui forme lorsqu’elle n’est pas en crue de petits bancs de sable.
Ciel…
Sur les rives de la Loire, des cris bruyants précèdent leur arrivée, je prépare mon appareil en hâte, des oies bernaches en formation en V longent le fleuve pour peut-être se poser un peu plus loin. Ne passant cette fois pas au-dessus de moi, je ne peux obtenir que leurs silhouettes libres et filantes dans un ciel emplit de masses sombres et de légèreté.
…et terre
Les pentes improbables de ce terrain se forment dès lors que l’on s’approche du Morvan, les prés deviennent alors la proie d’une asymétrie agréable, conçue par quelques farfadets farceurs, présents peut-être à l’abri dans les forêts alentour.
Ainsi s’achève cette longue série de photos, les champignons sont difficiles à identifier, généralement on ne ramasse que ce que l’on connait et ici aucun ne l’a été, car la plupart doivent être de non comestible à toxique. Le réflexe est toujours de faire vérifier son panier par un connaisseur. La plupart du temps je pose un genou à terre pour stabiliser et faire la mise au point manuelle, parfois on remarque quelque chose que l’on n’aurait pas vu si l’on ne s’était pas arrêté. La forêt est un endroit particulier, où l’on a plus l’impression d’être observé que de pouvoir observer, le risque de se perdre est toujours là et paradoxalement il y a peut-être là un pouvoir attractif, d’être en dehors de la civilisation, mais jamais trop, explorateur contemplatif entre deux mondes, dont l’un est de plus en plus oublié.