À en croire la citation d’André Malraux en guise d’introduction « le 21e siècle sera spirituel, ou ne sera pas ». Le manuel de la vie sauvage, publié en 1996 aux éditions Dangles, c’est un petit peu la même chose, un désir de retrouver l’essentiel.
« Un livre à lire, à méditer, à pratiquer, à faire lire autour de soi – et surtout à nos enfants, car ce sont eux qui feront peut-être de l’enfer que nous leur léguons aujourd’hui un paradis pour demain ? »
Alain Saury
Acteur, écrivain, poète et naturopathe adepte de végétarisme et de cuisine bio, très célèbre dans les années 60 pour sa carrière cinématographique, une maladie jugée incurable l’aurait plongé dans un univers spirituel et humain en quête d’un mieux vivre.
Plan du livre
Comprendre et prévoir le temps/Marcher et s’orienter/Se chauffer/Boire et trouver l’eau/Cueillir, replanter/Apprivoiser, ou chasser et pêcher/Cuisiner, conserver/Se loger/Se vêtir/Fabriquer/Soigner et sauver/Se nourrir subtilement.
Une connaissance
Ce manuel est parfois une petite encyclopédie, on peut y apprendre des choses intéressantes, d’abord les sciences de la vie et de la terre, où nous sommes et qu’est-ce qui nous entoure. Ensuite nous avons une présentation des moyens existants pour contrôler notre environnement. Ce qui diffère d’un pur guide de survie, c’est la présentation de techniques existantes destinées au long terme, comme une alternative à la vie courante urbaine. On peut y trouver des informations très justes autant que des pré-sciences, tels les dictons. Il y a même un passage sur le self défense, et tout de même quelques conseils au cas où l’on se perd. En général cela regorge de conseils pratiques que connaissent bien les scouts et autres campeurs, faire le feu, construire un abri, couture, premiers secours, etc. En somme il y a là toutes les informations nécessaires à la reconstruction d’une civilisation par les moyens les plus simples.
Une philosophie
C’est l’aspect le plus essentiel du livre et le plus intéressant à mon avis.
« L’homme ne vit pas que de pain… à condition qu’il en ait. »
« Viens ! L’homme amène l’enfant jusqu’à la rive
Auprès de la femme assise au bord de l’eau
Qui sait que chacun meurt afin que tout vive
Parmi le murmure des couleurs des mots ? »
« Nous le savons maintenant, l’homme aurait déjà dû depuis longtemps se destituer en tant que “roi de la création” : il est absolument incapable de prévoir à long terme […] Il est le seul prédateur incohérent de son globe, il a fait disparaitre des centaines d’espèces… »
Ces quelques citations d’Alain Saury sont censées, parfois poétiques et dénotent un cheminement personnel spirituel qui doit partir de zéro, à l’inverse d’un enseignement où tout est dit, répété et irréfutable.
Paradoxes
On pourrait se demander comment un amoureux du monde sauvage peut oser parler de chasse et de pêche. Il est dit d’ailleurs dans le livre que l’homme est coupable, si cette culpabilité peut être atténuée en combattant toutes les formes de tortures infligées aux animaux, il restera néanmoins toujours la réalité de ce fait de nature. Si l’on ne se nourrit plus de « cadavres », nous en consommons d’autres, le végétal est aussi une forme de vie (nous ressemblant moins, nous nous y identifions moins), de plus nous nous emmaillotons toujours dans des cadavres de végétaux et il y aura toujours une part d’horreur dans notre propre nature, malgré nos idéaux et nos bons sentiments. Là où l’idiotie est coupable envers notre espèce, c’est lorsque l’on prend plus que ce dont on a besoin, car cela est dangereux pour nous même à long terme.
Donc paradoxalement s’il fallait revenir à la nature, cela impliquerait de retrouver une place de prédateur actif, spontané et non plus calculateur et génocidaire, et dans ce cas, pour survivre la moralité devra se confronter à la réalité et mettre les mains dans le cambouis, ces techniques seront alors indispensables.
Conclusion
Un livre vraiment curieux qui s’inscrit dans l’histoire collective de la conscience écologique, témoin de ses questionnements et de ses défis, ainsi que de ses paradoxes et ses excès. On pourrait regretter la présence d’éléments de pseudoscience (et on aurait raison), et de textes New âge, apocryphes, mais on ne peut les nier, l’ivraie côtoie souvent le bon grain, à chacun de faire son tri, ou non. À aborder donc avec un esprit ouvert mais critique, et à feuilleter pour découvrir des sujets intéressants ou faire un bilan de ses connaissances.