Nature humaine

La menuiserie du pantin de bois dans la forêt

In game

space_crabe

Connaissez-vous le jeu de la vie ? Il s’agissait pour les mathématiciens de concevoir un modèle d’automates autorépliquants. John Horton Conway a mis au point en 1970 des règles mathématiques permettant de simuler le développement complexe d’un automate à partir d’une base simple. Il s’agit tout de même d’un modèle avec ses règles figées donc le nom de jeu de la vie est un petit peu trompeur, mais nous pouvons en faire quelques constatations rapides, esquisses relatives de métaphores :
– La vie et la mort sont des états binaires qui définissent les générations.
– Les structures peuvent cesser leur évolution et se stabiliser.
– Elles peuvent aussi retrouver périodiquement leur forme et osciller sur place ou sur une autre échelle.
– Une structure peut se répliquer en effaçant sa précédente forme au bout d’un grand nombre de générations.

Une curiosité idyllique

Il existe dans ce jeu des figures qui ne peuvent pas être produites, qui n’ont pas de précédents, cela arrive à partir d’une certaine dimension de l’espace du jeu. Leur nom est jardin d’Éden, ce qui est assez amusant, un lieu idéal qui ne peut exister que par une intervention manuelle à l’encontre des lois du jeu, une sorte de métaphore de l’utopie.

Mettre des lunettes provoque la berlue

En fait on peut observer ce jeu à deux niveaux, soit on parle mathématiques et on se tourne vers une compréhension essentiellement technique et rationnelle soit, on fait preuve d’empathie, et on parle essentiellement de la vie et de l’évolution d’une structure donnée et de ses relations aux autres. Passer d’un niveau à l’autre est relativiser.
L’homme est quelque part un automate, car il est issu des lois physiques et ses desseins si on se place à une certaine échelle, sont dictés par ses besoins. En ce sens la vie sociale et culturelle est une immense illusion, car motivée par des raisons secondaires reliées à la raison simple et première qui est d’être et d’exister. Dire que l’illusion réside plutôt dans l’abstraction rationnelle de ces nécessités secondaires est aussi véridique, puisque la réalité ne peut être encore totalement réduite à un modèle. L’illusion est alors plus vraisemblablement le fait de ne choisir qu’une seule manière de voir.

S’emmêler dans les fils de plomb

theatre-marionettesL’art de la termitière

Dans notre société il suffit de regarder autrement le monde qui nous entoure pour comprendre ce qui tend à nous illusionner. Nous avons architecturé notre environnement de sorte que chaque mètre carré a été pensé dans un objectif précis, qu’on le veuille ou non nous avons créé un espace consacré à notre économie, notre performance, en somme notre productivité, alors toutes nos actions et nos pensées sont canalisées dans des tracés qui ont été conçus bien avant nous. Bien que cela ne soit fondamentalement ni bien ni mal, c’est tout de même le dictat d’une volonté globale et inconsciente que nous avons parfois avec toute notre expertise, même du mal à maitriser.
Malgré cela cet espace civilisé est aussi un lieu de vie et en ce sens il peut prendre une véritable dimension humaine, avec son esthétisme propre et bien sûr sa poésie.

Ignorance et subjectivité

En tant qu’être conscient nous avons besoin d’informations et de communication, car notre existence dans le groupe nécessite une grande connaissance culturelle de plus en plus technique, sinon nous risquons l’incompréhension et par extension, le conflit, mais que ce soit le plus simple sauvage ou le plus érudit des civilisés, tous réagissent à des motivations instinctives et naturelles qui se développent de manières différentes selon l’habitude prise ou le mode de vie choisi.

À tout + peut le –

C’est probablement l’ambition univoque de cet espace civilisé qui est la raison même de ses scissions rebelles. L’écologie et plus particulièrement l’attrait contemporain pour la nature sont quelque part révélateurs d’un désir de neutralité face à un système qui surpasse l’individu et tend à le conditionner. Mais c’est loin d’être une bonne valeur en soi si ce n’est pas accompagné de lucidité, comme cela n’a pas souvent été le cas dans la religion, la spiritualité, la politique, l’éthique, le business, et toutes ces portes ouvertes aux égos.

N’as-tu pas honte de vouloir ressembler à une chose inanimée ?

Expériences libres

Le_soir_par_Gustave_Moreau

La nature inspire le sentiment sacré, on pourrait parler, exemple parmi tant d’autres des Mayas et des cénotes, ces puits où l’eau est confinée par Chac le dieu de la pluie, mais sans aller aussi loin avec déjà une idée de religiosité on peut tout aussi bien parler d’une simple feuille d’arbre qui tombe en automne, d’un coucher de soleil, des cristaux de neige, de la lumière filtrée des sous-bois, d’une cascade, d’un lac, etc. Ce sont des moments de contemplation qui nous montrent dans un instant de paix l’autre visage de cette nature dure, un visage plein de vie avec des éléments essentiels, la lumière du soleil, l’eau, la terre. C’est paradoxalement dans cette ambigüité primitive que le sentiment de liberté peut être ressenti pleinement parce qu’il s’agit alors d’une idée d’absence de manipulation, d’un équilibre sans souillure.

Serait-ce là un jardin d’Éden, pour reprendre la métaphore ci-haut, une utopie ?
Oui et non, cela cesse d’être dès lors que l’on en extrait un concept, car une fois conceptualisé et mis en pratique ça ne peut plus correspondre à l’état d’origine.

Et peut-il exister un jardin s’il n’existe pas de nature sauvage ?
La dérive utopique consiste pour beaucoup à focaliser et considérer son jardin d’Éden comme autonome et seul acceptable, alors qu’il est totalement dépendant de toute le reste, comme l’empreinte l’est au doigt.

Le Graal est là, toi aussi

Ce que tout le monde recherche ce n’est pas une attitude si absurde, mais le charme d’un murmure d’un instantanément vrai dans une vie à l’humanité profonde masquée et insignifiante et peu importe le flacon, pourvu qu’il soit vide de poison.

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  1. OUF!!
    Quel morceau de philosophie!
    Cette introspection est très pertinente et c’est intéressant de suivre le fil du raisonnement e de la comparaison de la vie avec un « simple » jeu.
    Je conserve l’idée qu’en effet nous pourrions bien être (ainsi que tous les êtres vivants) des robots, fruits d’une expérience à l’image des fourmis des B. Werber.
    Et si c’était vrai… Les joueurs se seraient offert la plus formidable partie de jeu qui soit!! 😉
    Bises Zip, et bon W!

  2. Presque du lapsus révélateur ! ouf = fou ! 😀
    Noushka déjà bravo d’avoir réussit à lire ça même si à plusieurs moments tu as eu envie de tout abandonner, de quitter cette page et de parcourir l’univers.
    (Le jeu se prête bien à une forme simplifiée de support analogique mais faut que je lise Werber.)
    Un sacré jeu oui! 😉
    « Jumanji, un jeu pour tous ceux qui espèrent laisser derrière eux leur univers.
    Lancez les dés pour déplacer votre pion, un double donne le droit de rejouer.
    Le premier qui arrive au bout a gagné »
    Bises à toi aussi, bon W et à bientôt !

  3. Jumandji oui, je n’y avais pas pensé, mais c’est tout à fait ça!
    Fais-toi un immense plaisir et lis Werber…
    La trilogie des fourmis est un incontournable et se lit à plusieurs niveaux… FABULEUX!
    L’Arbre des possibles, les Thanatonautes, l’Ultime secret et le Père de nos pères…
    Tel que je te connais, tu vas adorer, suis surprise que tu n’y aies pas encore mis le nez!!!
    Re-bises et belle journée!

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