Le bleu
« Je n’ai jamais rien éprouvé de pareil : c’est comme si j’avais vécu en songe jusqu’à présent, ou encore comme si j’étais passé en dormant dans un autre monde ; car dans celui où je vivais d’ordinaire, qui donc aurait prêté attention aux fleurs ? Quant à une passion aussi insolite pour une fleur particulière, je n’en avais jamais entendu parler auparavant. » Novalis
Même si ce n’est probablement pas une des plantes qui soit directement liée à l’origine de l’expression « être fleur bleue » la petite pervenche peut aussi nous interroger sur cette expression péjorative. L’écrivain Novalis est à l’origine de cette métaphore dans un roman où un personnage part dans une quête chevaleresque et romantique où il rencontre une fleur bleue au doux visage, rêve prémonitoire d’une rencontre qui marquera le début d’une passion, inassouvie, car inachevée par la mort prématurée de l’auteur.
Quant à la petite pervenche le langage des fleurs fait d’elle une grande mélancolique et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle inspira bien des poètes, il est donc prudent de ne pas l’outrager, sous peine de prendre… des prunes.
Une ravissante sorcière
En bouton la petite pervenche dévoile déjà son charme bleuté dans un beau feuillage vert. À peine éclose elle présente un motif en forme de pentagramme courbé.
La différence avec sa cousine la grande pervenche réside dans la longueur des sépales, plus courts pour la petite pervenche.
Si on l’appelle aussi violette des sorcières c’est probablement à cause de son double pouvoir, car cette plante peut tout aussi être médicinale que toxique. Ses feuilles sont par exemple antihémorragiques et elle soigne les troubles de la mémoire liés au vieillissement, en revanche son ingestion est toxique et elle était traditionnellement considérée comme antilaiteuse.
L’amie du poète
« Pâle fleur, timide pervenche
Je sais la place où tu fleuris,
Au pied des monts, ton front se penche
Pour mieux charmer nos yeux épris ! »
La pervenche, Alphonse de Lamartine
« Comme autrefois la pervenche,
Sur le velours vert des prés
Par le printemps diaprés
Aux baisers du soleil penché
A moitié rempli de miel
Son calice bleu de ciel. »
La pervenche, Théophile Gautier
« Ce matin j’ai cueilli, dans la douce rosée
La pervenche d’azur en un coin d’ombre frais:
J’ai cru que ton regard, quand ma main s’est posée
Regard limpide en l’herbe humide – m’appelait. »
La chanson simple, Paul Bulliard
Selon Jean-Baptiste de Latour Jean-Jacques Rousseau appréciait beaucoup la pervenche, même si l’on ne sait pas avec précision de quelle espèce il s’agissait (quoique l’on puisse estimer qu’il s’agisse de la petite pervenche), cette anecdote apporte un cachet historique honorable lorsque l’on connait le plaisir qu’avait Rousseau à parcourir la nature.