« La nature, avant tout, veut la reproduction des êtres ; partout, depuis Le sommet des montagnes jusqu’au fond de l’Océan, la vie a peur de mourir. »
– La Confession d’un enfant du siècle d’Alfred de Musset
La cosmogonie du monde c’est comme appliquer des couleurs entre deux surfaces planes transparentes, à partir de quelques taches on obtient des formes et des nuances très complexes. Imaginons maintenant de multiples lois de pression et de réactions chimiques, dans plusieurs dimensions, et on arrive à une complexité aussi difficile à cerner que de tenter de parcourir un milliard d’années-lumières avec ses pieds.
Dans ce grand mixage de courants et de grains, la vie apparaît comme une écume au bord des vagues, c’est l’affinage des éléments les plus basiques à travers des relations d’assemblages de type composition/décomposition. À l’optimum de ces interactions apparaissent la vie et l’organisme vivant.
La caractéristique de l’organisme vivant est son individualisme : auto-conservation, autoreproduction, autorégulation, etc. Comment un organisme à t-il pu émerger ainsi en dépit des conditions extérieures, mystère, mais il ne faut pas voir cela totalement comme un hasard dû à des contingences étrangères, c’est probablement parce que les éléments étaient idéalement combinés que la vie à pu apparaître à partir de ces éléments simples, l’évolution était incontournable.
Unités multiples
La cellule est l’organisme vivant le plus basique, bien qu’elle soit extrêmement sophistiquée, elle est capable d’appliquer à son propre compte ses recettes chimiques en échangeant avec son milieu de la matière.
Est-ce que l’on peut considérer une cellule comme un parasite de l’équilibre thermodynamique ?
Le problème déjà présent à cette échelle microscopique est qu’il existe plusieurs types de cellules, et ensuite d’organismes ainsi que tout autant de relations étranges, et que souvent plutôt que de récupérer matières et recettes à la source les organismes se cannibalisent, volent des recettes et des ressources voir assimilent d’autres organismes.
C’est dire qu’un organisme multicellulaire comme l’homme est une machine prédatrice tellement complexe qu’elle regroupe en son sein bien des comportements antagoniques comme la symbiose et l’assimilation, tout en étant elle même la cible d’autres organismes, la machine est loin d’être infaillible.
Primordial pragmatisme
Cette force de vie aussi soudaine que certaine est le résultat d’une infinité d’interactions.
L’émergence de la conscience en est la fleur de sel, complexité se sachant complexité, idée directrice de ce qui sous-tend la survie d’une unité. Esprit de la ruche dans chaque abeille que l’intuition conceptualise et divinise par la reconnaissance de son immatérialité, c’est l’évolution ultime la plus familière que nous connaissons sur notre planète et qui nous permet d’être l’espèce la plus besogneuse, la tête de pont de la chaîne alimentaire, et la plus sujette à la destruction massive.
Grâce à nos capacités cérébrales et techniques, nous sommes les plus aptes à imposer notre volonté envers les autres espèces, et envers l’équilibre naturel. Nous sommes capables de déjouer et de contourner nos limites originelles, et notre plus grande intelligence trouve son essence dans notre sens commun de la bienveillance.
Même si cette bonté est surtout le produit d’un esprit sage dont la maxime consisterait à ne pas couper la branche sur laquelle on est assis, un rejet du principe de gaspillage d’énergie, pas nécessairement dirigé envers les intérêts d’une unité différente propre ou externe à l’espèce, c’est en réalité la sagesse d’une gestion raisonnable à long terme, même dans le don en apparence le plus désintéressé.
Désirs de vie, dons mortels
L’empathie puise ainsi sa source dans les instincts les plus archaïques, à savoir les instincts régissant les comportements lorsque des adultes sont responsables d’une portée. Celui qui a le plus conscience de son empathie est l’homme et il est capable du meilleur comme du pire. Le meilleur est parfois même la justification d’être du pire, améliorer le confort des êtres humains est nécessaire, mais cela ouvre la porte à des dérives qui trahissent cette promesse de mieux être, lorsque la consommation de viande était un événement rare voir joyeux du temps de nos grands-pères, cette promesse de pouvoir offrir cette ressource au plus grand nombre s’est transformée en pomme empoisonnée.
Nous vivons une ère de surconsommation et de gaspillage, du moins cela à commencer dans certains pays, et si l’on devait compter le temps que devrait prendre l’élevage, les semailles, l’arrosage, la préparation de tout ce que nous sommes capables de manger, nous n’aurions plus une minute à nous ! Cette surdose industrielle nous gave de calories que l’on ne peut plus désormais perdre qu’à travers des activités rémunérées ou non, artificielles et répétitives.
L’alternative reste à réinventer, car le piège est refermé tout comme la poussée démographique ne permet plus de réduire la production, de ressources animales ou végétales.
Le fragile équilibre de l’espoir
Loin de vivre dans un monde parfait, il est pourtant dans nos propres intérêts de concilier nos besoins vitaux avec l’équilibre partiel et naturel qui fait de nous ce que nous sommes, des animaux primates évoluant dans une brume qui flotte sur la croûte d’une patate chaude en orbite autour de sa bouilloire.
Nos ennemis sont nombreux et pas toujours nettement identifiés, cholestérol, sucre, calories, antibiotiques, pesticides, radioactivité, etc.
C’est toujours le principe de l’équilibre, en quantité raisonnable c’est indispensable voir vital, au-delà d’un seuil, ça devient mortel.
Malgré tout nous avons les capacités de réfléchir et de trouver des solutions, même s’il sera difficile de réduire drastiquement la consommation de viande et sachant que se nourrir exclusivement de végétaux n’est qu’un pis aller, spécisme par rapport à la richesse du règne du vivant. Il est tout de même sain de ne pas ignorer nos répulsions à priver de vie des organismes complexes avec lesquels nous partageons un patrimoine génétique.
Mais sur ce point nous resterons pour longtemps des prédateurs rêvant d’affranchir le monde de toute souffrance, nous serons toujours les hôtes d’équilibres rompus où nos vies ne sont possibles que par nos morts.
L’essentiel est que notre espèce ne se détruise pas elle-même, par gâchis.