La jeunesse, ce rapport nouveau et frais au monde n’a de lacune que le temps qui n’a pas encore été.
La différence de temps vécu entre un adulte et un enfant ne peut jamais changer.
N’y a-t-il pas eu en chacun une enfance des idées, un moment où l’on a cru en quelque chose, mais que cela à évoluer.
Des idées et des croyances que l’on faisait siennes, et qui au fil du temps évoluèrent.
De tout temps et en chacun se trouvent la genèse, les révélations et les révolutions.
Alors il me semble que la vie même est philosophie.
Motivations
Pourquoi dès lors user de philosophie puisqu’elle se trouve en chacun, en principe.
C’est probablement parce que chacun communique avec ses semblables en société.
Et que derrière chaque expression philosophique se trouve une intention.
Protéger : Défendre des idées, que l’on partage avec d’autres.
Nuancer : Reprendre ou rejeter d’anciennes idées, pour rétablir une objectivité.
Progresser : Réfléchir et apporter un autre regard, sans but ni esprit de profit.
Les interactions de toutes ces intentions sont le cœur de tout débat d’idées en société.
Il est tout à fait possible de retrouver toutes ces intentions ensemble chez tout un chacun.
Des postures
Dans notre besoin de se faire une place, de s’affirmer, nous sommes amenés à incarner une posture, défendre une idée.
Non pas parce que notre singularité nous permet d’apporter quelque chose de nouveau, mais parce que l’idée que nous incarnons nous correspond.
Cette correspondance nous offre un levier sur les autres, parce qu’elle s’impose à nous, alors elle peut bien s’imposer aux autres.
Dès lors et avec un peu de recul, il est possible de reconnaitre que cette posture n’est que le reflet temporaire d’une volonté dominante parmi d’autres.
Et que ce type de posture n’admet guère le respect des autres.
Une simple discussion de groupe n’est parfois qu’une ronde de postures où le rapport de force détermine la volonté dominante à respecter.
C’est pourquoi le concept psychologique d’assertivité entre en jeu pour tenter de déminer le terrain.
Même s’il ne nous correspond pas, chaque point de vue est à explorer, sans avoir à empiéter sur les autres.
À l’imposture
Le snob cherche à être validé par un monde qu’il juge supérieur.
Derrière les injonctions qui semblent louables peuvent se cacher des intentions pas si honorables qu’elles paraissent.
L’écologie par exemple, oscille rapidement entre doctrine et hypocrisie.
Est-on capables d’appliquer nos propres idéaux écologiques, à l’heure où notre forêt s’exporte en Chine ?
L’usage des écrans, idem.
Quelle alternative aux écrans se présente à nos jeunes lorsque l’on investit tant dans la tech ?
Comment remettre en cause cette manipulation frauduleuse puisque l’écologie, comme l’usage équilibré des écrans, sont en soi irréfutables (et heureusement) ?
Un problème étant identifié, une réponse de quelque autorité nous conforte et nous rassure, le mauvais monde d’avant fait place au nouveau.
Et malheur à ceux qui n’y entendent mot, de l’adhésion collective, s’en suit souvent le lynchage.
La commodité engendre la conformité, car devant des problèmes qui sont plus complexes, il est plus aisé de s’en tenir à des jugements qui ont l’avantage de réconforter.
De l’inutilité ?
Il n’en reste pas moins que chaque production philosophique n’a aucune utilité matérielle.
Que chaque philosophe qui connait ou non le succès n’est par ses écrits qu’un influenceur.
Les bénéfices que l’on peut en retirer sont tout de même existants et de plusieurs natures.
Il y a les valeurs inspirées de l’auteur qui peuvent infuser parmi les lecteurs, sa capacité de raisonnement, qui par modèle peut se développer par l’inspiration.
En définitive de nouveaux concepts idéologiques qui alimentent le rapport au réel, un réel tout capable d’influencer en retour la vie intellectuelle de ses hôtes.
De l’élitisme
Nous avons conscience que dès lors que la civilisation atteint un certain stade, les connaissances ne sont plus oubliées, elles sont partagées, écrites, avec une relative stabilité.
Que la portion de la population la plus consommatrice de privilèges est bien souvent celle qui non seulement peut s’exempter d’un dur labeur, mais c’est elle aussi qui par conséquent a la responsabilité de transmettre et d’enseigner des connaissances.
La philosophie a donc souvent été reliée aux formes existantes des statuts politiques et sociaux.
Même Diogène, qui ne souhaitait vivre que dans un tonneau, était fils de banquier.
Du populisme
Tout de même, se poser des questions n’est pas le privilège de quelques-uns.
Nous connaissons de nom beaucoup de philosophes, mais combien d’ouvrages avons-nous lus de leur plume ?
Notre culture générale est toute relative et nous compartimentons nos connaissances, et parfois cédons ces sujets-là aux seuls spécialistes.
Cette faiblesse creuse les inégalités et tend à faire croire que l’instruction se réserve naturellement à seulement ceux dont les capacités valident un droit de penser.
Des réseaux
Internet est un puissant outil de partage des connaissances, actuellement très répandu, il demeure, pour le meilleur et pour le pire, à l’image de ses utilisateurs.
Les paroles individuelles, jusqu’à présent tuent, résonnent dans chaque réseau social.
Et cela peut être dérangeant, pour ceux qui n’ont jamais été ouverts à l’indicible, dans l’abri insonorisé de leurs habitudes et de leur bien-pensance.
L’expression publique devient l’affaire de tous, et à partir de là se posent plusieurs problèmes révélateurs.
De la véracité
Séparer le bon grain de l’ivraie, voici la tâche la plus complexe à laquelle doit faire face l’internaute.
Les manipulations, le jeu du mensonge et de la vérité sont bien plus anciens que les fake news.
Les leçons à retenir sont probablement tout aussi anciennes, à l’image de ce proverbe de 1885, un seul mensonge mêlé parmi les vérités les fait suspecter toutes.
La communication n’est pas plus intelligente parce qu’elle utilise un outil technologiquement complexe.
Pour conclure
C’est avec douleur que je vais prononcer une grande et fatale vérité. Il n’y a qu’un pas du savoir à l’ignorance et l’alternative de l’un et l’autre est fréquente chez les nations mais on n’a jamais vu un peuple une fois corrompu, revenir à la vertu. En vain vous prétendriez détruire les sources du mal, en vain vous ôteriez les aliments de la vanité, de l’oisiveté et du luxe, en vain même vous ramèneriez les hommes à cette première égalité, conservatrice de l’innocence et source de toute vertu: leurs cœurs une fois gâtés le seront toujours, il n’y a plus de remède, à moins de quelque grande révolution aussi à craindre que le mal qu’elle pourrait guérir, et qu’il est blâmable de désirer et impossible de prévoir.
Jean-Jacques Rousseau
En 1750 la question était déjà posée par l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon :
« Si le rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les mœurs. »
Jean-Jacques Rousseau s’est illustré en y répondant d’une manière pertinente.
Sa conclusion est que malgré tous nos progrès techniques, rien n’est plus salvateur qu’un cœur humble et bon.
Cette assertion rappelle qu’il est d’autant plus compliqué, dans un cadre perpétuellement et techniquement plus complexe, de ne pas présumer trop rapidement de soi et de la société.
Que ce soit en positif ou en négatif.
C’est un problème intemporel, que la philosophie semble toujours tendre à cerner.
Mais comme le conclut Rousseau, même un juste jugement se doit d’être humble, car entre dire et faire, il y a un monde.
En connaissance du caractère fragile et immatériel de l’idéal, le réel ne doit pas être un prétexte ni à exclure ni à désaffilier, et encore moins, à culpabiliser.
La vie est faite d’incertitudes, de contradictions, de paradoxes mais aussi de prises de conscience, d’émerveillement et de légèreté.
La fatalité se décrète, l’espoir se sème.
Le changement croît, et même tout cela vit et meurt.